« Duke » Ellington, Edward Kennedy - Trombone Blues
Trombone Blues
Par Olivier Douville
Trombone Blues - « Duke » Ellington Edward Kennedy (1899-1974) - 78t - New York , 1925-09-00, Pathé Actuelle Orchestre : Duke Ellington (piano, arrangeur, leader) ; Pike Davis (trompette) ; Charlie Irvis (trombone) ; Otto Hardwick (clarinette et saxophone alto) ; Prince Robinson ( clarinette et saxophone ténor) ; Henry Edwards (contrebasse) ; Sonny Greer (banjo) - Ecouter Trombone Blues sur Deezer
C’est un peu moins d’un an après l’enregistrement de « Choo Choo » que Duke Ellington et ses amis retrouvent le chemin du studio. L’orchestre cette fois ci ne bénéficiera pas de l’aura sombre et du sentiment d’alarme que lui apporte la présence de Bubber Miley. De sorte que l’esthétique d’ensemble de ce morceau sonne plus conventionnelle, plus impersonnelle de son, et il n’y aurait pas grand-chose à en dire si ce « Trombone blues » ne nous donnait l’opportunité d’entendre le tromboniste Charlie Irvis (1899-1939) y faire montre de ses talents. Le trombone, en 1925 était encore un instrument pataud à la Nouvelle-Orléans où, souvent, son usage se limitait aux assez lourds procédés de coulisses « tailgate » qui se trouvaient réduits à leur trognon harmonique et mélodique chez Kid Ory, et devenaient un peu plus musical et raffiné, certes, chez un Honoré Dutrey,musicien dont la puissance était entamée par l’intoxication aux gaz de combat qu’il subit en France durant le première guerre mondiale.
A New York, dont Charlie Irvis est originaire, les Afro-Américains jouissent d'une liberté musicale, pour laquelle ils se sont mobilisés par le biais d’une intense vie associative et par leur travail et leur participation prépondérante dans les spectacles et les revues (cf. les fiches « Jim Europe » et « Eubie Blake »). New York c’est une ville à la fois bouillonnante et académique et souvent les musiciens sont pourvus d’une assez belle technique. Quant à l'exigence du publice de Harlem est-il nécessaire de souligner qu'elle était le fait d'un peuple qui aimait faire la fête avec sa musique.
Charlie Irvis, camarade d’enfance de Buber Miley et, tout comme lui, ayant connu sa révélation musicale en écoutant le « Creole Jazz Band » de Joe King Oliver, est réputé pour être un des premiers trombonistes de jazz à avoir exploré et prolongé les ressources de son instrument. Tout comme Bubber Miley, il généralise l’usage de la sourdine « plunger » entendue chez Oliver (cf. la fiche Dippermouth Blues du « Creole Jazz Band ») ; . Il tient fort bien sa place à l’aube des années 19I20 aux côtés de Lucile Hegamin puis de Willie « The Lion »Smith. Sa présence fut vite éclipsée par celle de Joe « Tircky Sam » (surnom qui veut dire la débrouille) Nanton de sorte que cet artiste de transition fut trop vite oublié. Il a, tout de même, avant de quitter Duke Ellington pour rejoindre les rangs de la formation de Charlie Johnson, enregistré avec Louis Amrstrong et Clarence Williams, Ce solide instrumentiste gravera par la suite quelques cires avec ces deux sérieuses pointures que sont Jelly Roll Morton et Fats Waller. Ce qu’il joue ici avec Duke est simple et chaleureux, bien articulé. Ne nous y trompons pas : ces traces d’allure modeste sont bien la signature d’un pionnier fort respecté de ses pairs et dont l’influence ne fut pas mince.
Par Olivier Douville