Tin Roof Blues
Paul Mares (1900-1949)
Par Olivier Douville
Paul Mares (1900-1949) - Tin Roof Blues - 78t - Richmond, Indiana, 1923-03-13, Gennet
Orchestre : New Orleans Rhythm Kings : Paul Mares (cornet) ; George Brunies (trombone) ; Leon Roppollo (clarinette) ; Mel Stitzel (piano)
Dans le jazz on trouve pas mal d’asile pour les êtres en rupture, déphasés. Mais ce n’est pas pour cela qu’on peut tolérer la présence dans les rangs d’un musicien approximatif. Et cela dès les débuts de cette musique.
Il s’est trouvé qu’un certain nombre de musiciens blancs, nés du « bon côté » de la ville louisianaise, et qu’un bon contingent de fils de l’immigration européenne également, pressentirent que ce serait une idée déraisonnable mais nécessaire, irrésistible, suprêmement irrésistible, de se laisse acculturer par la musique noire qui, sous le policé charmant ou mélancolique du ragtime, laissait s’épanouir les piments de contrebande des rythmes africains et des magies recomposées à partir des lointains héritages vaudou.
Les échos de Buddy Bolden, qui transitèrent par les cornets de Papa Célestin, BunkJohnson, Kid Rena et King Oliver, furent recueillis avec ferveur par un petit contingent de musiciens blancs, soucieux d’aventurer leur âme.
Parmi eux, ceux natifs de la Nouvelle-Orleans firent leur classe sous la bonasse du vétéran Tom Brown, excellent technicien et mélodiste habile au trombonne. Paul Mares était du nombre. George Brunies lui, avait forgé son style rudimentaire et robuste chez Papa Jack Laine lequel dirigea sa musique, ses dancings et continua de frapper en cadence après 1917, dans un atelier de forgeron -une reconversion qui vaut pour un retour aux sources même des scanssions et des frappes mythiques. Leon Roppollo, membre de la très importante colonie italienne de la Nouvelle-Orleans promena son style lunaire chez Jack Laine et Nick la Rocca.
On s’en doute : les nombreuses opportunités de jouer dans les orchestres de la flottille harmonieuse des bateaux à roue du Mississippi, et, de même, les pantagruéliques pique-nique dominicaux du Lac Pontchartrain permettaient de grandes effusions de musique.
Mares, Roppollo et Brunies constituaient la première ligne, typiquement orléanaise d’un orchestre fameux : les "New orleans Rhythm Kings", première ligne que vinrent compléter des honnêtes musiciens du middle west et de Chicago.
Cet alliage leur a permis de constituer un trait entre le jazz new-orleans et l’esthétique des blancs venus au jazz à Chicago.
Par l’excellence de leurs improvisations collectives, ici particulièrement bien conduites, et la richesse de leur répertoire, les N.O.R.K. ont joué un rôle décisif dans l’histoire du jazz. Bix Beiderbecke et tant d’autres apprirent leurs fondamentaux en les écoutant aussi.
Leur musique passe bien le temps. Seul d’entre eux tous, Roppollo s’avère un musicien d’exception. Sa technique et sa sonorité sont au-delà de tous les éloges et ceux qui de lui s’insipirent ne se sont pas trompés de modèle, que ce soit l’excellent Volly de Faut ou encore Cliff Holman et Johnny O Donnel. L’aspect étrange, presque fantomatique de son solo, ici, touche encore la zone la plus tendre.
Olivier Douville