Asphalte Walk - Syd Valentine
Syd Valentine
Par Olivier Douville
Syd Valentine (1908 - ?) - Asphalt Walk -78t - Richmond, Indiana, 1929-10-02, Gennet
Orchestre: Syd Valentine's Patent Leather Kings: Syd Valentine (trompette) ; James "Slick" Helmes (piano) ; Paul George (banjo)
Passés les évènements discographiques et culturels décisifs que furent l’édition des gravures des « Hot Five » et « Hot Seven » de Louis Armstrong deux plans de conduite s’offrirent aux trompettistes de jazz qui voulaient étinceler de là de ça aux U.S.A. Soit rester fidèle aux vieux schémas du ragtime, soit sublimer l’héritage orléanais en adhérant, de plus ou moins habile façon, à la manière risquée et transcendantale d’Armstrong. Seules de très fortes et rares individualités surent trouver leur propre terrain d’expression : Bix Beiderbecke, Bubber Miley, Red Allen ou, parfois, Jabbo Smith.
Il est encore à considérer la dévorante activité des compagnie d’enregistrement qui averties, depuis le succès du « Crazy Blues » (M. Smith) et du « Down Hearted Blues » (B. Smith) de l’existence d’un important public noir, n’en finirent pas de sillonner les U.S.A afin de confier à la cire les traces des orchestres de jazz et de blues locaux . L’existence de ces « race records » a grandement permis de conserver l’art humble ou audacieux, inventif ou besogneux de quelques seconds couteaux qui, parfois, ne connurent les fortunes que d’une seule séance d’enregistrement. Sachant qu’ils ne seraient pas flattés de la sorte une autre fois, cette occasion leur donna l’occasion de jouer tête baissée, tant ils voulaient coaliser toute leur brillance et tout le charme éprouvé de leurs procédés et autres tours de force en un rêve de gloire. Oubliés, souvent peu vendus car édités en nombre limités, certains de ces disques furent retrouvés et réédités d’inespérée façon, en raison de l’obstination et du flair de quelques collectionneurs qui virent dans cette quête leur Graal portatif et moderne.
Syd Valentine donc. A l’écouter on entend l’effet Armstrong, mais un effet dont la véhémence est tempérée par des influences plus sourdes, celles possibles d’un King Oliver ou d’un Louis Metcalf.
Ce bon trompettiste est un enfant du pays d’Indianapolis où il est né et où il a joué dans l’orchestre de fosse de son « Washington Theater ». Bon endroit pour les rencontres que ce genre d’orchestre qui disparut brutalement avec l’arrivée du cinéma parlant. Accompagner les images des muets a permis bien des échanges et des transmissions entre musiciens de l’âge épique du jazz. A Indianapolis il se trouvait un dénommé Frank Clay, trompettiste et chef de l’orchestre régulier de théâtre. Bien disposé envers les débutants, il donna à Valentine tous les conseils assortis de tous les trucs dont un trompettiste qui désirait à la fois se trouver un son et se faire un nom avait le pus grand des besoins. Une fois lancé, c’est-à-dire vers ses dix-neuf ou vingt printemps, Valentine rejoint le groupement que dirige Fred Widson’s ; c’est alors que les tournées débutent pour lui avec leur cortèges de succès inattendus, d’accueil désespérants, de fatigues et de bus mal confortables, d’hôtels plus ou moins miteux, de femmes éphémères et de gueules de bois chroniques. Ce, jusqu’en Californie, puis cap sur l’Est et Kansas City. Puis les engagements se succèdent, les rencontres musicales se font de plus en plus fructueuses dont une avec le clarinettiste Jimmy ‘O Bryant. Il accompagne encore le piailleur clarinettiste Crawley, dont les excentricités amusent un public sans doute à demi-sourd. Qu’importe, la compagnie de ce pitre regrettable lui ouvrent les portes d’une renommée certaine. Le voici à New York à la fin des années 1920, toujours pour accompagner une revue.
Faute d’engagements dans la « Mecque du jazz », ce New York fécond et versatile, ou mal du pays revenant galoper en ses veines, Valentine revient sur ses terres natales. A Indianapolis, il retrouve ses marques et met en place un orchestre de dix musiciens. Il joue aussi avec Bernie Young et repart pour le Milwaukee, il côtoie alors le clarinettiste Eddie Barefield et le tromboniste Preston Jackson.
Horace Henderson fait appel à lui. Indianopolis encore, et les séances d’enregistrement de ses "patent Leather Kids" qui mettent en valeur son articulation et sa sonorité qui dans la douceur conserve quelque chose d’un peu rauque et pesant, susceptible d'émouvoir. Le pianiste le seconde bien, brodant brisures et décalages à la façon d’un Earl Hines. Et le banjo indique les quatre temps avec sa ponctualité toute métallique et savoureuse.
Valentine ne sera pas oublié par les grands leaders des orchestres swing. Ses facilités d’intégration et son sens aigu du swing lui ont permis de tenir son rôle dans lesgrands orchestres de Erskine Hawkins, d’Earl Hines ou du plus obscur Elmer Calloway (le frère de Cab et de Blanche).
Une jolie page d’un jazz décidé et humble que ce « Patent Leather's stomp »
Olivier Douville