Ory's Creole Trombone - Kid Ory Edward
"Kid" Ory Edward (1886-1973)
Par Olivier Douville
Kid Ory est certainement le tromboniste néo-orléanais le plus connu. Son omniprésence chez Oliver, Morton, Armstrong et Dodds explique sa notoriété à laquelle Orson Wells, le redécouvrant en 1944 pour ses programme de radio, a redonné une vaste amplitude.
Débutant au banjo et gagnant la Nouvelle-Orléans à la toute fin du XIX° siècle, Ory qui adopte le trombone joue avec tout le gratin de la ville, dans les boîtes et dans les orchestres dansant des bateaux à roue. Formation solide. La santé, solide, l’est moins et un bon docteur conseille la Californie au tromboniste lequel s’y rend avec ses bronches faiblardes et son instrument rutilant. Et y exporte le style « tailgate » (littéralement porte arrière du camion), typique de ce qu’a de plus élémentaire la polyphonie néo-orléanaise. Imaginons un orchestre de parade comme il y en eut tant, juché sur la plate forme arrière du camion. Le trombone se fait entendre en soufflant, à grands renforts de glissando, la même phrase rythmique sous le dialogue des trompettistes et des joueurs de clarinette ou de saxophone. C’est exactement la besogne que remplit Honoré Dutrey dans les faces du King Oliver Creole Jazz Band.
Cette face de Kid Ory vaut surtout pour document historique. C’est en effet la première cire de jazz néo-orléanais gravée par un orchestre de couleur. Elle fait entendre une bonne composition du leader qui a pour nous l'avantage d'exposer clairement l’horizon stylistique du trombone caractéristique de la classique et déjà presque désuète polyphonie louisianaise.
En 1925, Ory, requinqué, rejoint la bonne ville de Chicago, havre de gangstérisme et de jazz (mais les gangsters font beaucoup pour la prolifération des boites d’amusement et sont des employeurs tyranniques mais généreux de nombreux musiciens dont Johnny Dodds, particulièrement apprécié d’Al Capone). Il est de tous les coups ou presque du jazz enregistré. Dans cette face on retrouve des musiciens qui firent plus tard une carrière honorable.
Mutt Carey, parfois surnommé « Papa » reprendra la tête de ce groupe et dirige, à la charnières des années 20 et 30, une formation, "The Jeffersonians", active dans les studios d’Hollywood. Il mène habilement les collectives mais ne sera jamais un soliste très inspiré. Ed Garland retrouvera Ory dans les années 50. C’est un des meilleurs contrebassiste du jazz primitif. La clarinette de Dink Johnson est agréablement acide ; poly-instrumentiste, il sera, en revanche, un pianiste consternant.Ce 78 tours rare dégage un charme qui émane peut-être davantage de l’ardeur des musiciens qui s’y expriment que de l’archaïsme dont elle témoigne avec une candeur touchante. Il en va ainsi de l’autre thème figurant à son verso : "Society Blues"
Olivier Douville