Oedipe Blues
Par Olivier Douville & Robert Bitoun
Oedipe Blues (SPECIAL) - Secret Comity Parlor Stomp - Viennes, 1922-09-00, IMAGO SWING
The Viennois Red Hot Minute's Band : Sigmund Freud, (saxophone ténor et leader); Otto Rank (contrebasse) ; Karl Abraham, (vocal), Max Eitingon (clarinette basse, saxophone en ut, soubassophone), Ernest Jones (banjo, ukulélé et guitare) ; Sandor Ferenczi (trompette, bugle, cornet à piston) ; Hanns Sachs (percussions et grosse caisse)
Fait peu connu des amateurs de jazz, il n'y eut pas que l'entaille grecque pour sceller l'entente des membres du comité secret. Rank, soutenu par Ferenczi encore sous le charme de quelques cires de ragtime achetés lors du voyage aux USA en 1919, a en effet obtenu que tous les membres de ce comité se mettent à l'étude du jazz band et s'exercent au maniement d'un instrument. Si la Maître viennois a, la plupart du temps, fait semblant de jouer, et si encore Karl Abraham a laissé de ses prouesses vocales une impression assez pâle, en revanche Hans Sachs très influencé par le jeu du batteur de ragtime E. Lent se montre un fort honorable percussionniste (avec un étonnant triolet de croche sur le troisième temps de la 41° mesure après le break de banjo exécuté vigoureusement dans un style folk celtique impeccable par Jones). Solide à la contrebasse, Rank à qui il arrivait de doubler ses traits d'archet par de joyeuses vocalises, fournit sur ce disque un soutien implacable au duo de clarinette basse, trompette (Eitingon ici précurseur de ce que tentera sur ce même instrument Benny Goodman dans les années 1930 / Ferenczi, curieusement enclin à ces joutes mutuelles, mais qui, curieusement décalé s'époumone dans des accentuations ragtimes très proches de ce que faisait Crickett Smith chez Jim Europe, après tout nous ne sommes qu'en 1922).
Ce petit monde trouvera à s'arranger des éruptions géniales d'un saxophone qu'on gagnerait à déchiffrer au joint même de ces impérieux silences qui annoncent, en creux, comme une grave et monotone répétition. Si le vieux Sig' reste à la fois respectueux et décomplexé de la tradition saxophonistique du jazz, il laisse sur cette cire des formes toujours plus inextricables d'un jazz dont c'est peu dire qu'il est avant-gardiste. Les autres n'ont qu'a suivre !
Ce disque resté longtemps secret a été pourtant réédité en version pirate à l'initiative de Whilhem Reich en 1937, puis à nouveau en 1962 dans une compilation hasardeuse (IPA play the Blues sur Atlantic). Le pianiste et chef d'orchestre Sun Ra en était un grand admirateur au point qu'il a repris le thème dans un de ses concerts au Cabaret Magique du Musée Grévin, à Paris, en 1976. Tenue pour une extrême rareté, cette face gagne maintenant grâce à Oedipe Jazz, une audience qu'elle mérite amplement.
Olivier Douville & Robert Bitoun