My Man of War - Lena Wilson (1898-1939)

Par Olivier Douville

78t - New York, 1931-07-17, Columbia - Orchestre : Lena Wilson (vocal) accompagnée par Cliff Jackson (piano)

En 1918, la chanteuse Lena Wilson débute sa carrière professionnelle dans le circuit T.O.B.A. ainsi que le font tant d’autres artistes dont Esther Bigeou ou Gertrude « Ma » Rainey.

C’est pour elle l’apprentissage de la scène, où sa diction parfaite, et plus encore sa malice et son abattage font sensation. Une fois ce rude apprentissage assimilé, elle s’installe à New York en 1921 et devient une vedette très populaire des diverses revues et spectacles de music-hall de cette ville qui n’en finit pas de jouir et de flamber aux accents des ragtimes et des thèmes jazz naissants.

Sa carrière discographique est faite de deux blocs. Un ensemble gravé de 1922 à 1924, où dominent les blues. Elle bénéficie de l’accompagnement de petits groupes issus de l’orchestre de Fletcher Henderson, ou encore de Johnny Dunn, Perry Bardford ou même de quelques musiciens blancs dont Miff Mole, puis, pour un bref retour dans le studios de 1930 à 1931 elle est accompagnée par le pianiste harlémite Cliff Jackson. Ce dernier pratique le stride d’une façon particulière, en accentuant les bases dans les zones les plus graves du clavier.

Le thème de cette chanson composée par Clarence Williams évoque une guerre bien réjouissante : les ébats amoureux. Lena Wilson est une des spécialistes de ces chansons à « double-sens » sexuel si fréquentes à la fin des années 1920 et lors des années 1930. Bessie Smith, elle aussi, chante qu’elle avait épousé naguère un homme fringuant comme une Cadillac et qui n’est plus maintenant qu’une vielle Ford hors d’état, et réclame des années durant encore un peu de sucre dans son bol ou une aiguille dans son phonographe, ou s’émerveille d’avoir enfin trouvé un cuisinier à la hauteur dont les petits plats la rendent folle.

Sans détailler plus avant les diverses nuances des assauts que mène l’homme de guerre de la belle Lena (ce bon garçon a l’air du genre infatigable dans le « droit au but »), convenons que ces chansons assez « bon enfant » sont aux antipodes de la vulgarité. Ce qui s’exprime ici c’est la vie véritable, avec tout ce que nous dispense de gourmandise sensuelle et de joie de vivre une rencontre où se dévoile le battement d’un désir et la promesse d’un plaisir. Il fallait pour chanter cela de la hardiesse, une décontraction certaine, et encore de l’humour. Lena exprime au mieux ces qualités indispensables. Proche d’elle, le pianiste joue, accompagne, monte en puissance, et s’amuse lui aussi contribuant à la réussite de ce disque sensuel et attachant.

Olivier Douville