Mingus Sextet - Cornell 1964
Par Olivier Douville
Charles Jr (1922-1979) Mingus
Cornell University, U.S.A., 1964-03-18 - CD Blue NoteOrchestre : Charles Mingus (contrebasse et leader) ; Johnny Coles (trompette) ; Eric Dolphy (flute et saxophone alto) ; Clifford Jordan (saxophone ténor) ; Jaki Byard (piano) ; Dannie Richmond (batterie)
C’était juste avant que ce soit à l’ensemble dirigé par le contrebassiste Charles Mingus de partir pour des terres européennes. Un mois plus tard l’orchestre se produira à Paris. Un cour trimestre de plus, Dolphy, resté en Europe succombe à Berlin.
Pour ce qui est de la liberté et de l’insolence nul n’ose défier Dolphy. Certains dont Miles s’en méfient et prisent de le tenir pour rien ou si peu. Chez Mingus, comme auparavant chez Coltrane, s'impose un Dolphy obscur et virevoltant par le battant de son tempo et sa sonorité dont on ne voit pas le fond et c’est comme un rire puis une larme qui ruisselle sur la plus haute fleur de cette musique.
La valeur artistique de ce concert, tout récemment retrouvé et au son bien rendu, provient aussi de ce que l’ensemble des souffleurs est au complet.
Coles pour raison de santé ne se rendra pas à toutes les invitations du vieux continent. De plus, l’accueil des plus attentifs et chaleureux, cette bonne présence de vrais connaisseurs que réserve àl’orchestre le public de la Cornell University, met tout le monde à l’aise et l’orchestre fait montre d’une décontraction et d’une précision qu’on ne lui a pas toujours connu dans certains concerts postérieurs joués dans l’indécision et/ou la précipitation. Inutile de souligner plus avant à quel point cette assurance et cette connivence rend justice à la subtilité et à la complexité des arrangements de Mingus.
Sous le doigts de Jaki Byard l’art de Thomas « Fats » Waller et celui de Art Tatum ne sont pas seulement évoqués, ils sont agis. L’un et l’autre si aimables, si nécessaires, si fondateurs, qu’on voudrait alors les retenir un instant. Au loin, à la fin du concert, l’ombre de Waller sera de toutes couleurs évoquée et nuancée par un Dolphy gracile et enjoué. Entre cette intro et cette coda wallérienne, défilent toute les préoccupations musicales et politiques de Mingus, ses pamphlets contre les sénateurs racistes et les intégrations torpillées.
Duke Ellington est aussi revisité avec considération et Richmond derrirèe ses toms, ses cymbales et sa caisse s’en donne à cœur joie.
Partout ici Mingus et Richmond sont souverains.
Cette rééditions s’impose.
Olivier Douville