Lonely Melody
Paul Whiteman (sur cette photo 2ème sur le cheval)
Par Olivier Douville
Paul Whiteman (1890-1967) - 78t - New York, 1928-01-04, Victor
Orchestre : Paul Whiteman and his orchestra : Henry Buse, Charlie Margulis (trompettes), Bix Beiderbecke (cornet) ; Wilbur Hall, Bill Rank (trombone) ; Frank Trumbauer (saxophone C mélody), Chester Hazlett, Harold Mc Lean (saxophones alto), Jimmy Dorsey (clarinette) ; Charles Strickfaden (saxophone ténor) ; Kurt Dieterle, Mischa Russel, Matty Malneck (violons) ; Harry Perrella (piano) ; Steve Brown (contrebasse) ; Mike Traficante (contrebasse) ; Mike Pingitore (banjo) ; Harold Mc donald (batterie)
Il fut énormément reproché à Paul Whiteman d’avoir détourné le jazz à son profit (comme si le jazz n’était pas aussi une affaire de détournement), de s’en être attribué à tort la couronne (mais il y eut un Roi Oliver aussi qui disparu sans divertissements aucuns), d’en avoir perverti l’esprit (méfions nous tout de même des purs esprits).
De telles douches de vitriol furent infiniment plus répandues par les critiques que par les musiciens lesquels, à l’exception notable d’un Eddie Condon aigri, saluèrent en lui, de Jack Teagarden à Louis Armstrong ou Dizzy Gillespie le parfait honnête homme faisant constamment preuve d’une touchante humanité.
Tous respectèrent sa passion de la musique et de la recherche musicale. Witheman qu connut le succès dès la fin des es années 1910, revint d’Europe avec des ambitions notables Il commanda à George Gershwin la fameuse « Rhapsody in Blue » toujours plaisante à entendre.
Il donna donc au jazz un projet ambitieux sans doute construit sur une erreur de perspective : encadrer le jazz en le faisant épouser les règles de la composition classique. Convenons que ce projet syncrétique était assez dans l’air du temps. Rarement, il est vrai, son orchestre céda à la facilité et au commercialisme le plus édulcoré. Whiteman a cru que quelques arrangeurs et solistes de premier ordre allaient permettre entre le radicalisme de la musique noire et le disgracile des divertissements des music-halls le dégagement d’une voie symphonique. Mais n’était-ce point là aussi l’optique d’un Gershwin et de quelques autres ?
Cette démarche a pu donner naissance à quelques préciosités orchestrales non dépourvues de charme et d’ampleur. Son aspect composite qui correspondait si intimement à la double fascination de quelques pionniers blancs pour le jazz le plus moderne de leur époque et la musique occidentale la plus élaborée fut bien plus un havre qu’une prison pour Bix Beiderbecke.
« Lonely Melody », est un thème d’un grand lyrisme. Il est arrangé avec recherche par Bill Challis ce qui permet à Bix de prendre un chorus de 25 mesures. Il le fait avec assurance et inspiration, soutenu en cela par le tempo solide et stimulant du contrebassiste Steve Brown. Plusieurs prises de ce morceau furent enregistrés, il nous en reste deux. Si elles sont toutes deux de premier plan tant on dirait que l’arrangeur a écrit précisément pour Bix, c’est sur la troisième prise que le cornettiste se montre le plus libre et le plus fluide.
Ce même jour l’orchestre de Whiteman bénéficia d’une émission de radio réalisée en duplex d’une côte à l’autre des U.S.A. Bix put ainsi se faire entendre sur tout le territoire américain, sur un de ces thèmes fétiche « Changes ».
Olivier Douville