Jacques Coursil Clameurs
Par Olivier Douville
Jacques Coursil (trompette), Jeff Baillard (arrangeur et producteur), Fort-de-France, Martinique, printemps et été 2006
Les Antilles ont donné au jazz de grands musiciens, ce dès les années 1920. On mentionnera entre autres artistes, les personnalités d’Abel Beauregard, de Robert Mavounzy, de Marius Cultier, d’André Condouan et de Michel Sardaby. Jacques Coursil, trompettiste talentueux, grand explorateur des scènes jazz, orfèvre des sonorités feutrées, avait joué un rôle important dans le mouvement dit « free-jazz », en jouant aux côtés d’Archie Shepp de Frank Wright, de Sunny Murray ou de l’Art Ensemble of Chicago Music ; en enregistrant avec Anthony Braxton et Burton Greene. Puis on le perdit de vue aux débuts des années 1970. Il retrouve depuis peu le chemin des studios à l’initiative d’un de ses anciens étudiants, John Zorn.
Clameurs, constitué, selon les propres termes de son auteur, de quatre « oratorio pour trompette et voix » est un ensemble d’entrelacs, raffinés et envoûtants entre la trompette dont le son évoque Miles Davis ou Chet Baker et des textes antillais (Fanon, Glissant, Monchoani) et les poèmes d’un poète noir et fils d’esclave, Antar, qui a vécu au VI° siècle.
Le tissage de ces quatre pièces polyglottes et une totale réussite. Pudeur des incantations, ductilité des phrasés, ce disque revisite un triple projet politique, poétique et esthétique. Ce qui fut un des plus grands défis du free-jazz. Ce défi se poursuit ici dans une haute singularité exigeante, tendre, digne, cultivée et créatrice. Clameurs est une œuvre accomplie et actuelle, ouvrant nos mémoires au futur.
Olivier Douville