Gary Peacock - Tales of another
Gary Peacock - (1935)
Par Olivier Douville
New York, 1977-02-00ECM - CD - Orchestre : Gary Peacock (contrebasse et leader) ; Keith Jarret (piano) ; Jack de Johnette (batterie)
Ce trio absolument magique, même si aujourd’hui un peu se reposant sur ses ficelles - mais avec tant de charme et d’esbroufe, a gravé il y a quelques trente années un monument du jazz, et, partant, de la musique contemporaine.
Gary Peacock, le bassiste, commence par l’étude du piano et de la batterie : il est déjà un trio à lui seul – il a aussi pratiqué le bugle. Il fait son apprentissage de la musique afro-américaine en compagnie du parangon du jazz californien, ces pionniers de la tendance cool et apparenté (Shelly Manne, Hamlpton Hawes) avant de se frotter aux début du free jazz, en passant entre temps par les saxophonistes Sonny Rollins et Roland Kirk. Il donne le meilleur de lui-même avec le très libre et lyrique Albert Ayler (le plus émouvant et insolite des grands free jazzmen). S’il s’éloigne peu de temps de la planète jazz, goûtant au japon les joies singulières de la philosophie Zen, il y revient en la compagnie des pianistes Paul Bley et Keith Jarret.
Expressivité, profondeur du son, grande liberté du rythme, écoute de l’autre : ses indéniables qualités de soliste et d’accompagnateurs sont portées à leur point d’incandescence dans ce disque. « Ce qui n’a pas encore été beaucoup approché, et qui sera désormais plus exploité, c’est l’utilisation de l’espace à la place de la présence » . Peacock parle ainsi de sa démarche musicale. Jamais plus aboutie qu’ici. Loin de se complaire en une démonstration puérile de virtuosité, les musiciens tendent, en toute discrétion, vers une osmose que camouflent, pour les oreilles superficielles qui confondent jazz et musique d’ameublement, les joliesses sucrées des thèmes. Chacun y fait, à la façon d’un alchimiste, du simple à partir du complexe. Un art du dialogue où personne ne se met en avant, ni ne se cantonne dans le rôle d’un faire valoir.
Il fallait l’envergure et la maîtrise d’un Peacock pour calmer les penchants de diva de ses deux comparses.
Cet album généreux et exigeant suppose des auditeurs disponibles.
Olivier Douville