Crazy Blues - Mamie Smith
Mamie Smith (1883-1946)
Par Olivier Douville
Ce disque, gravé à l’initiative de Perry Bradford qui est l’auteur du thème « Crazy Blues », est entré dans l’histoire de la musique afro-américaine pour être le premier blues jamais enregistré.
Mamie Smith a gravé auparavant, pour OKEH, « That Thing Called Love » et « You Can’t Keep a Good Man Down » et c'ést la première voix noire qui, dans un tel répertoire, à avoir été captée sur disque. Son "crazy Blues" connait un immense succès et se vend, dit-on, à deux millions d’exemplaires, pour la plupart d'entre eux achetés par la communauté noire.
Un tel triomphe commercial ne peut qu'ouvrir l'esprit des compagnies d’enregistrements, qui, les yeux rivés sur les courbes de vente et la promesse de nouveaux marchés, se sentent concernées par l'art afro-américain et deviennent soucieuses d’enregistrer du blues, du jazz et de la musique de scène des théâtres noirs. Des séries spéciales et bon marché destinées au public afro-américain voient le jour, d'abord appelés "colored records", puis, en 1922, "race records". "Paramount" ouvre le bal, suivie par "Columbia", "Vocalion", "Perfect" et "Brunswick". "Okeh" qui ne tarde pas non plus à s'y mettre, présente de la sorte son catalogue "race"en 1923 : "The World's Greatest Race Artists on the World's greatest Race Records". A leur suite de petites firmes fondées par des noirs, "Black Swain", "Gennett", "Merrit", retirent quelques bénéfices entre 1921 et 1930.
C’est de la tradition théâtrale harlémite que vient Mamie Smith (aucun rapport de parenté avec Bessie ou Clara) qui a commencé à se produire sur scène à l’âge de dix ans. Elle danse alors avec un groupe de danseurs blancs, « Les Four Mitchells ». En 1912, elle participe aux tournées de la revue "The Smart Set". L'année suivante, elle arrive à Harlem avec son mari le saxophoniste ténor Williams Smith.
C’est une chanteuse agréable à la voix de contralto un peu fade mais élégante, qui, depuis les années 1913, se taille un gentil succès sur les scènes des théâtres et music-hall de Harlem. Elle était alors la vedette de la revue « Maids of Harlem », dirigée par Perry Bradford.
Après la vente de "Crazy Blues", elle part en tournée, dans le circuit "T.O.B.A" avec son petit groupe les "Jazz Hounds" dont feront partie des musiciens prestigieux alors débutants : Bubber Miley, Coleman Hawkins, Garvin Bushell, Johnny Dunn et Joe Smith. Sur la photo où elle figure avec ces musiciens, elle donne le sentiment d'une femme qui en impose et sait se faire respecter par la jeunesse qui l'entoure. Elle enregistre aussi, en 1923, avec Clarence Williams et Sidney Bechet.
Mamie Smith fait, par la suite, une carrière régulière comme chanteuse, avec Fats Pichon et Andy Kirk, et comme actrice de cinéma (dont « Othello in Harlem » de Joseph Seiden, en 1939, et « Mystery in Swing » d’Arthur Dreifuss, en 1940).
Lors d'une de ses dernières apparitions, en 1944, sur la scène du "Lido Balroom", à New York, elle partage l'affiche avec … Billie Holiday
Olivier Douville