Clarinet Squawk - Alcide Nunez
Alcide "Yellow" Nunez (1884-1934)
Par Olivier Douville
New York , 1919-09-12, Edison - 78t
Orchestre : Louisiana Five : Alcide "Yellow" Nunez (clarinette) ; Charles Panelli (trombone) ; Joe Cawley (pinao) ; Karl Burger (banjo) ; Anton Lada (batterie)
Alcide Nunez est un des plus anciens clarinettistes de jazz. Il est encore enfant lorsque sa famille s’établit à la Nouvelle-Orléans D’abord guitariste, il adopte la clarinette en 1902 et choisit le modèle en do, tout comme le fait Louis Nelson, alors que la plupart des musiciens de cette époque optent pour celle accordée en si bémol.
Tout comme de nombreux musiciens blancs de la cité louisianaise, il fait ses classes dans les orchestres de Papa Jack Laine et de Tom Brown, puis se prduit dans des petits groupes qu’il réunit sous son nom.
En 1916, il monte à Chicago, en compagnie de Johnny Stein, un chef d’orchestre néo-orléanais qui forme un orchestre pour un engagement (un « gig ») au "Booster Club" de l’ Hotel Morrison à Chicago. Malheureusement pour eux, la police avait fermé ce Club, à peine quelques jours avant leur arrivée. Ils se rabattent sur le moins huppé "Lamb’s Café".
L’orchestre de Stein sera le creuset d’où proviendra l'union des cinq joyeux compères de l’"Original Dixielnd Jass Band". Or, ni La Rocca, ni Nunez ne jouissent de la calme fortune d’un caractère conciliant et la brouille entre eux survient le prédestiné jour d’Halloween 1916, trois mois donc avant que le formation "O.D.J.B." ne grave ce qui est considéré par les historiens du jazz comme le « premier-disque-de-l'-histoire-du-jazz ».
Nunez joue alors dans les fosses d’orchestre de spectacles de variétés ou exécute de petits numéros sur scène, puis se refait une santé musicale à New York dans l’orchestre du banjoïste Bert Kelly. Pour l’anecdote, on se souviendra que Kelly, familier du plus rude des argots californiens, a proclamé avoir été un des premiers à avoir fait usage des mots « jazz » et « jazz band », le terme de « jazz » étant selon lui un terme très argotique en vogue dans l’Ouest profond des U.
S.A. pour désigner un orchestre « chaud » délivrant le musique de danses « rapprochées ». Une étymologie de plus : c’est charmant mais à vérifier.
Nunez veut jouer sa musique, celle qui serpente et s'épanche dans une grâce créole. Il se fond dans le groupe du batteur Lada qui prend alors le nom de « Louisiana Five », avec lequel il grave de nombreux disques de 1918 à 1920. Ces faces qui méritent une réédition sérieuse rencontrent un succès important et elles le montrent, comme dans « Clarinet Squawk », tout à son avantage : souplesse, étendue du registre, sonorité chaude et claire. Ce morceau n’est pas l’œuvre d’un improvisateur ; il est la marque d’un musicien cultivé, habile dans l’art de l’ornementation et de la paraphrase.
De retour à la Nouvelle-Orléans, ce boulimique du travail joue là où il peut et là où on le veut- ce qui fait une jolie quantité d’adresse, puis se stabilise dans l’orchestre de la police.Et ses enfants joueront dans la section "junior" de cet orchestre, où ils rencontreront Al Hirt.
Les faces du « Louisiana Five », sont mélodieuses et pleines de fraîcheur. Elles ne reposent que sur le jeu du clarinettiste. Il serait dommage d’oublier ce bon instrumentiste qui a contribué, au moins autant que l'excellent Shields, et au même titre que Picou, Nelson ou Baquet (le professeur de Sidney Bechet) à l'invention de la clarinette-jazz.
Nous pouvons encore l'entendre à son avantage avec ce même groupe dans « B-Harp-E » enregistré en 1919.
Pee Wee Russel n’hésite pas à dire son admiration pour le jeu du créole Alice Nunez, surnommé « Yellow » en raison de son teint très clair.
Olivier Douville